mardi 19 avril 2016

Mode sans échec.

On y est. C'est la dernière ligne droite : J-5.
Je voulais y être à cette échéance, à cette dernière semaine, où on commencera à décélérer pour de vrai avant de s'élancer dimanche matin pour le marathon.
Le marathon, un rêve.
Lorsque je reviens sur ces dix dernières semaines de préparation, on ne peut pas dire que ce fut facile, loin de là. Surtout depuis plusieurs jours. Surtout depuis une bonne dizaine de jours où j'avais eu besoin d'écrire, d'écrire une partie de ce que j'avais dans la tête et sur le cœur.
Il y a dix jours, c'était trois semaines avant d'en découdre.

Trois semaines et les questions, les doutes qui s'installent. Une grande fatigue aussi, trop grande : la fatigue qui te rattrape, la fatigue implantée, ce genre de fatigue qui fait que tu ne dors plus d'un sommeil réparateur.
Tu doutes, tu te poses des questions, des questions sur toi alors qu'en fin de compte, avec du recul, tu vas bien. Bien mieux qu'elle en tout cas. Bien mieux que toi que j'aime tant.
J'ai essayé de comprendre pourtant ce qui n'allait pas chez moi. Il y avait plusieurs jours que je me trouvais livide dans le miroir, quelques jours que j'avais très mal au ventre, ça arrive comme ça sans prévenir, j'avais cru que c'était le contre-coup des anti-inflammatoires après la douleur au ligament, j'avais cru que je mangeais sans doute mal car j'ai aussi maigri et perdre plus de deux kilos pendant une prépa marathon, ce n'est certainement pas ce qu'il y a de mieux.
J'ai essayé de comprendre mais j'ai pas compris.
Je n'ai pas compris jusqu'à ce midi où je suis partie m'entraîner. Ce jeudi midi, après cet après-midi où j'ai encore plus pensé à toi, nécessairement. Cet endroit, c'est toi, c'est vous tous, c'est moi depuis que je fais partie de votre famille.
Avant de m'endormir, je t'ai envoyé une photo de ces marées, de cette plage que tu as aussi photographié tant de fois.
Cette nuit là, je me suis encore réveillée plusieurs fois.
Et le jeudi, je suis donc partie m'entraîner, comme un autre midi. Sauf que ce midi là, j'ai stoppé net à 6 kilomètres. Une douleur au genou d'abord, et puis dans toute la jambe. Je m'arrête, je termine les 500 mètres qui me séparent du bureau à pied, impossible de repartir, la jambe est tendue et je peine à plier le genou.
Les heures d'après où je fais peine à voir, où je boite énormément.
Les questions qui reviennent mais que je fais repartir aussitôt : un bon massage arnica-gaulthérie et du repos. Allonge-toi et dors. Allonge-toi et repose-toi. Et pas seulement la nuit d'après, les jours d'après aussi.
Le vendredi se passe, je boite moins, mais la fatigue est là, une fatigue qu'on a du mal à déterminer, une fatigue physique avec une prépa marathon qui commence réellement à te tirer dessus, une fatigue morale aussi, je réalise à ce moment.
On me parle de Yannick Noah ce matin là. Yannick, ton chanteur préféré que tu as été voir tant de fois.
Le soir, ce besoin de se vider la tête, filer faire les magasins et se retrouver dans ce centre commercial et réaliser que tu es venue tant de fois ici, que c'était ton centre commercial lorsque vous habitiez près d'ici. 
Votre ancienne maison où je passe à proximité quand je repartirais ce soir-là.
J'ai retrouvé ton frère et tes petits neveux et puis on est allé manger une pizza et des glaces au restaurant, on voulait être ailleurs, se laisser porter un peu.
On a parlé de toi, subtilement, pour que notre grand ne boive pas trop ces dernières nouvelles difficiles.
On est rentrés, il était l'heure d'aller au lit et une nouvelle fois s'endormir pour se réveiller avec toi dans la tête. Toi avec ton combat. Toi avec ces souvenirs, toi que je revois à mes côtés lorsque je courais pour la première fois les foulées de votre village de toujours.
Et pleurer. Putain que ça fait du bien en fait. Tu te voiles un peu la face depuis tant de semaines, certainement aussi pour être forte pour toi, pour ton frère, pour tout le monde. 
Putain de sale maladie. 
Y croire, espérer, pour combattre et continuer de vivre, coûte que coûte.
Ta façade, c'est aller de l'avant. Toujours. Il faut mieux commencer sa journée avec un sourire, vous ne croyez pas ?
Mais intérieurement, c'est que ça travaille aussi, c'est que ça refoule dur. Intérieurement, moins de sourires apparents :  la fatigue, les maux de ventre, les kilos perdus. OK, la prépa marathon te tire certainement dessus mais on ne va non plus lui jeter complètement la pierre. Ton corps s'est réveillé dernièrement : oui, tu vis, tu souris, tu essaies d'aller de l'avant et c'est très bien. C'est ce qu'il y a de mieux à faire, j'en suis convaincue. Il y a seulement toutes ces choses refoulées qui ressortent inévitablement à un moment.

Elles sont ressorties. Encore après. Le ligament, et maintenant le péroné. Il s'était avancé, il s'est ensuite reculé. J'ai eu mal, au corps, à la tête aussi, me faire une raison que je n'allais pas courir vers mon rêve cette fois-ci.
Et puis, on a dormi davantage, on a mangé davantage, on a profité un peu plus des enfants, de la famille.
On est retourné voir l'ostéopathe. Huit chances sur dix pour que ça revienne qu'il me disait mardi dernier. Samedi, c'était pas revenu, j'ai encore boité.
Et puis dimanche soir, et puis ce midi. Ce qu'on n'attendait plus.
Ce midi où les voyants semblent presque verts.
Suffisamment verts en tout cas pour oser repenser à la ligne de départ dimanche prochain à 9h.
Ce midi où la lumière semble revenir peu à peu.
Aussi parce qu'au même moment où je revenais de ce dernier ou avant-dernier footing de cette prépa marathon, nous recevions tous ce SMS positif.
Ma prépa chaotique aura duré dix semaines. Ton hospitalisation sept semaines.
Vendredi, je partirai vers mon rêve, tu rentreras vers les tiens, ce moment attendu tant et tant de fois depuis sept semaines.
Dimanche, il est très probable que mon péroné refasse parler de lui et je ne réaliserai peut-être pas mon rêve.
L'état d'esprit sera cependant beaucoup plus léger que ces derniers temps parce que finalement, j'aurais au moins tenu bon jusqu'à la fin de cette préparation beaucoup trop chaotique.

Le mode sans échec.

Comme tu as tenu bon pendant ces sept semaines. Puissent les jours prochains te permettre de croquer encore plus la vie.
On va profiter, tout ce qu'on peut.
La maladie te court après, pour l'instant tu continues de courir plus vite qu'elle, ce n'est pas encore tout de suite qu'elle te rattrapera. Tu nous l'écrivais si justement tout à l'heure.

Le mode sans échec.

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