Tu sais, quand on part à la mer, c'est assez compliqué de me passer de mon sac de course parce que désormais, aller à la mer, et ne pas pouvoir courir ne serait-ce qu'un petit peu sur cette plage et dans ces dunes, c'est blasphème.
Et puis en conduisant, j'ai mon cerveau qui me crie "alerte", qui me dit que j'ai laissé ma montre à la maison. Punaise, t'es con, je pense (toujours tout bas, sinon, mon petit entourage adoré ne comprendrait plus trop leur femme/leur maman, ou je deviendrais sans doute moins crédible. M'enfin, passons). T'es con, tu fourres bien ta ceinture cardio dans le sac et la montre, non, t'oublie. Ouais, mais, quand tu pars à la mer, t'as toujours plein de trucs à emporter n'empêche, tu peux pas penser à tout. Bon, c'est fichu de toute manière, on est partis un peu trop loin de la maison maintenant, tant pis pour toi, t'auras pas de visu sur tes kilomètres, pas de visu sur ta FCM. Bof, y'a le portable remarque, t'emporteras le portable, non ? Bon, tu vas pas en faire un plat, on verra sur place.
Et puis sur place, tu t'en fous finalement. T'enfile ton short et pars nue comme un ver au poignet, SANS MONTRE, SANS CHRONO, SANS FCM. Tu n'as même pas pensé à regarder l'heure, histoire de savoir quand même combien de temps tu seras partie.
Tu files, tu remontes cette rue du rivage et retrouve la plage au bout. La mer est bien remontée depuis tout à l'heure, il fait assez bon finalement, moins de vent que tout à l'heure. Le sable est parfait, ni trop meuble, ni trop dur. Tu te rapproches des vagues, qui vont, qui viennent, et tu fais la course avec ces vagues en quelque sorte, tu remontes la plage jusqu'au village voisin. Tu as l'impression de vivre encore plus cette course, encore plus que d'habitude, ces fois où tu portes ta montre, où tu regardes de temps en temps les mètres qui défilent, ta fréquence cardiaque qui t'indique si tu peines ou non.
Il y a cette phrase qui te revient, cette phrase de cette chanson de Jean-Jacques Goldman que tu as ressorti à ton mari le vendredi d'avant lorsque vous parliez de cet événement qui avait lieu le lendemain matin à Monza près de Milan. Monza, cette piste automobile qui allait accueillir trois athlètes référents de la distance marathon le samedi pour tenter de courir sous les deux heures cette distance mythique des 42.195 km.
"Breaking 2" qu'il s'appelle cet événement. Balayer la distance marathon en deux heures, voire un peu moins. Tel était le challenge, la performance recherchée par la célèbre marque à la virgule, un challenge dont vous lirez plus de détails par exemple dans cet article.
Je n'en parlerai pas plus me concernant. Simplement parce que cette manifestation m'a dérangée. Je l'ai suivie de loin, les trois athlètes débutaient leur course folle samedi matin à 5h45, ils étaient arrivés alors que nous terminions tranquillement notre petit-déjeuner en famille. On s'en est rappelés avec mon mari, j'ai ouvert Twitter sur mon portable et j'ai vu ce chrono qui tombait, j'ai surtout vu un extrait d'une vidéo de 7 secondes que j'ai pas aimé. Pardon, mais je n'avais pas l'impression de voir des hommes courir. Ces hommes qu'on admire de part leurs performances, leurs temps sur marathons extraordinaires car on s'accordera tous à penser que courir à 21km/h pendant 42.195km, oui, c'est extraordinaire. Ces hommes qui couraient samedi matin, ils me faisaient d'abord penser à des chevaux de course. Des ascètes dont les privations doivent être multiples, des privations qui doivent leur être aujourd'hui transparentes, soit ne les ont-ils simplement peu ou jamais connu, soit sont-ils aujourd'hui rentrés dans un cercle que je qualifie de vicieux, sorte de machine infernale qui fait que la performance a pris le dessus sur ce qui nous fait certainement tous courir au départ : le plaisir ou plutôt ces doses d'endorphines, ces hormones de bien-être, qui sont larguées gracieusement à chaque séance.
Breaking 2, breaking bad ?
Ce breaking 2 et cette mise en scène, cette course effrénée autour d'une piste automobile avec tant de back office, d'yeux braqués sur ces athlètes, ce breaking 2 m'a effrayée. Il m'a sans doute plus effrayée actuellement alors que je me dis de plus en plus que je ne courrai pas de marathons toute ma vie. Avec Paris début avril, j'ai un peu plus réalisé que la course sur route était beaucoup cadencée par le chrono. J'en avais conscience et quelque part, j'ai été propulsée aussi dans cette course trop folle au chrono, à penser à tel ou tel objectif temps et à réaliser, avec du recul, que j'avais été bien trop dépendante de ma montre, et donc du chrono, pour ce marathon parisien. D'ailleurs, lorsque j'ai d'abord vu mon amie Chloé qui m'attendait au km 11, ma première phrase que je lui ai lancée fut "j'ai deux minutes de retard". Le chrono qui outrepasse la partie de plaisir à courir et à vivre une telle expérience. L'an passé, j'avais couru Düsseldorf avec zéro objectif en tête : Düsseldorf fut un marathon plaisir du début jusqu'à la fin. J'arrivais à Paris avec un objectif en tête : enfermée dans cet objectif, je n'ai que peu apprécié la ville majestueuse.
2017 sera pourtant une année marquée pour le marathon pour ma part. Je remets le couvert dans trois semaines, et puis à la fin de l'été. Un concours de circonstances, ça s'est trouvé comme ça et si ça arrive sur mon chemin, je ne suis pas du genre à réfléchir lorsqu'il s'agit de propositions de courses, j'y vais, j'y cours et puis c'est tout.
Dans trois semaines, je pars courir avec mon neveu. Une belle expérience familiale.
Dans trois semaines, je vais ouvrir grand les yeux, regarder droit devant, tout autour mais regarder le moins possible cette montre, m'en détacher le plus possible.
Regardez autour de vous, n'est-ce pas qu'une des questions qui revient le plus souvent à l'approche d'un marathon, c'est cette question "tu veux le courir en combien de temps ?".
Parallèlement à la route, je continue de courir sur mes chemins et participe à des trails locaux dans mon Cotentin. Des trails où il est si peu question de chrono, de temps, d'objectif. Ou plutôt si, l'objectif premier en trail, celui qui revient souvent, c'est cet objectif plaisir. Car en trail, quand on part, on ne sait vraiment jamais quand on revient, en trail, il arrive que le balisage fasse défaut mais que ta tête fasse défaut tout simplement, simplement parce que tu n'étais plus concentrée sur le balisage mais bien sur la nature environnante, les paysages toujours superbes qui t'entourent. Et souvent, en trail, si on t'annonce 25km, il est fréquent que tu comptabilises quelques mètres en plus en fin de course.
Ma foi, entre ces deux disciplines, mon cœur balance plus pour l'une, simplement parce que ma liberté reste pleine, entière, avec des paysages à perte de vue au rythme naturel de mes jambes, au rythme qu'elles auront voulu me donner à cet instant T.
Regardez autour de vous, n'est-ce pas qu'une des questions qui revient le plus souvent à l'approche d'un marathon, c'est cette question "tu veux le courir en combien de temps ?".
Parallèlement à la route, je continue de courir sur mes chemins et participe à des trails locaux dans mon Cotentin. Des trails où il est si peu question de chrono, de temps, d'objectif. Ou plutôt si, l'objectif premier en trail, celui qui revient souvent, c'est cet objectif plaisir. Car en trail, quand on part, on ne sait vraiment jamais quand on revient, en trail, il arrive que le balisage fasse défaut mais que ta tête fasse défaut tout simplement, simplement parce que tu n'étais plus concentrée sur le balisage mais bien sur la nature environnante, les paysages toujours superbes qui t'entourent. Et souvent, en trail, si on t'annonce 25km, il est fréquent que tu comptabilises quelques mètres en plus en fin de course.
Ma foi, entre ces deux disciplines, mon cœur balance plus pour l'une, simplement parce que ma liberté reste pleine, entière, avec des paysages à perte de vue au rythme naturel de mes jambes, au rythme qu'elles auront voulu me donner à cet instant T.
J'avais déjà écrit sur la notion de plaisir en course à pied, ou plutôt de cette limite qui arrive avec l'expérience, par ici
Le récit d'une expérience marathon fabuleuse par là, une expérience marathon trail qu'elle est formidable par ici et une expérience marathon un peu plus nuancée par là.
Le maître-mot : faites-vous plaisir et qu'il soit sur routes ou sur chemins, trouvez l'endroit qui VOUS correspondra le mieux.
Mais ne laissez pas votre liberté être écorchée par une montre au poignet.