Mon frère avec lequel il m'arrive de sortir courir de temps en temps s'était inscrit depuis quelques semaines à ce semi avec un ami. J'étais super contente pour lui lorsqu'il me l'avait annoncé et envieuse aussi : ce semi devait être trop beau et surtout il allait enfin participer à son premier semi, une certaine consécration pour un coureur à pied régulier.
Le 8 juin dernier, je participais au 10km We Own The Night à Paris et je me souviens très bien de mon état d'esprit à ce moment où je disais que mon frère faisait son premier semi fin juin mais que dommage pour moi, ça attendra un peu, je ne suis pas vraiment préparée.
Sauf que.
Sauf que dans la vie, il y a des choses qui arrivent un peu comme ça, sur un coup de tête.
Dimanche dernier, on était en famille pour un anniversaire.
J'ai commencé la journée par une sortie de 11km dans La Hague : on a beau penser qu'en Normandie, c'est plat, venez donc m'accompagner un matin à 8h sur les sentiers haguais, vous vous rendrez très vite compte du dénivelé auquel vous vous confrontez.
Quand je suis rentrée, mon frère était là, il m'a répété que le semi était dans une semaine et ça n'a fait presqu'un tour dans ma tête : "et si je m'inscrivais finalement ?". Ma moitié aura beau affirmer haut et fort "mais bien sûr que tu vas le faire, tu as vu comme tu t'entraînes !". Oui, mais les fractionnés, je n'ai jamais fait, la seule sortie longue que j'ai fait jusqu'alors fut mon trail de 15 km le 1er mai dernier...
Mais le même après-midi je me suis finalement inscrite. Après tout, je risquais quoi ? D'abandonner à 15km. La peur de l'échec aussi, j'y ai pensé, mais bon, au pire, je m'en remettrais.
Sentiers haguais |
La semaine dernière, j'ai évité de trop penser à ce semi. Histoire d'arriver sereine, de ne pas me mettre la pression inutilement et de profiter de l'ambiance de cette course correctement.
On s'est rejoint avec mon frère et son ami, on est allés chercher nos dossards, on a pris le car qui nous amènerait au point de départ, tels des gamins, on avait appelé maman qui se trouvait sur le parcours pour lui dire "oui, oui, maman, on arrive dans à peine deux minutes, on est aux premières places du car", on lui a fait des coucous comme des gosses, on sommeillait un peu dans le car, les petites routes du Val de Saire nous berçaient bien, on nous a déposés une heure avant le départ à deux kilomètres du phare de Gatteville où nous nous sommes mis en jambes tranquillement en allant jusqu'au phare à pied, on a pris des photos avant la course, on a zieuté les autres participants, on a discuté avec le gars du village ou le gendre du meilleur ami du mari qu'on a retrouvé là-bas, j'ai mangé mes trois abricots secs histoire de, et puis on s'est mis sur la ligne de départ, on était à côté du coureur au drapeau "1h45" : "nan mais OK frérot, mais moi je vais derrière, tu vois, c'est ton objectif mais je vais déjà tâcher de le terminer hein". Mon frangin a couru les 300 premiers mètres avec moi et puis il s'est envolé avec son pote licencié d'athlétisme.
Mes premiers cinq kilomètres sont toujours douloureux, le temps que la machine se mette en marche : le soleil nous accompagnait, il faisait déjà un peu trop chaud, je me disais que ça risquait d'être dur s'il restait toujours là. A Barfleur, un des plus beaux villages de France, première foule de supporters un peu plus vivants que ceux qui étaient postés le long des petites routes de campagne, on prend volontiers tous les encouragements qu'on peut entendre.
Premier ravitaillement à 8km, je me sens mieux, allez ! La machine est lancée, on essaie de pas trop penser à quoique ce soit et on y va et puis tu vois, le ciel t'a entendu, un gros nuage gris cache le soleil correctement, la petite brise fait aussi rafraîchir l'air, ça fait du bien.
Kilomètre 10 : on est presque à la moitié. Allez, tu refais le même tour que tu avais fait à Paris et tu seras presque arrivée.
Kilomètre 13 : les jambes picotent un peu et j'ai mal au ventre. Déconvenue féminine depuis deux jours mais c'est une des choses qu'on ne peut pas vraiment prévoir à l'avance, j'ai voulu le faire, maintenant on y va, on ne pense pas au reste.
Kilomètre 15 : j'arrive bientôt à Réville, j'attends ce passage avec impatience, ma famille sera là. Un kilomètre avant, je passe devant le cimetière, ça m'a fait drôle, je ne savais pas que je passerais par là, et je pense beaucoup beaucoup à mes oncles et mes grands-parents en me disant qu'ils doivent être si fiers s'ils peuvent me voir de là-haut. Un kilomètre plus tard, j'arrive devant l'épicerie de ma tante qui est là avec mes cousins, premiers vrais encouragements : "Allez Anne-Claire, oui, c'est ça !". Et je retrouve le sourire malgré ce ventre qui me donnerait bien envie de vomir. "Ne pas y penser, ne pas y penser, tu vas bientôt voir tes enfants, go, go".
Kilomètre 17 : le camping-car de mes parents est là et mes deux amours sont postés sur un mur, ils crient "allez, maman, allez maman". Pfiooouuuuu, mon Dieu mais c'est que je voudrais bien m'arrêter là moi en fait. Ma moitié n'est pas là, il doit être parti à l'arrivée pour prendre des photos de fin de course.
Kilomètre 18 : Mais non, il est là, en hauteur, grimpé sur je ne sais quoi, je suis tellement heureuse de le voir aussi et encore plus lorsque j'aperçois ses petites larmes dans le coin des yeux (si,si, ne va pas dire non). Il est tellement heureux qu'il continue de courir avec moi, de prendre plein de photos et de me parler sans arrêt "allez, c'est presque fini, plus que trois, plus que deux, allez, le plus dur est fait". Oui, mais si tu savais comme j'ai mal au ventre, comme j'ai envie de vomir et comme j'ai envie d'aller m'écrouler dans un champ. "Non, continue, c'est presque fini". Oui, c'est presque fini mais merci de m'avoir accompagné pendant ces trois derniers kilomètres qui ont clairement été les trois plus longs kilomètres de ma vie.
Tu t'es fait remarquer à courir avec tes chaussures bateaux, un coureur s'est approché et m'a demandé "rassure-moi, il ne vient pas de courir 20 kilomètres avec ces godasses ?" J'ai ri, allez, on y va, on y est presque, une amie s'était postée par surprise 1.5km avant l'arrivée, ça m'a fait chaud au cœur une nouvelle fois, ça n'a cependant pas accélérer ma foulée qui était bien ralentie mais j'ai continué, encore, vite, on y est.
Alors, on arrive devant le port, il reste 600/700 mètres, la foule se fait plus dense, ton souffle est toujours un peu plus saccadé mais allez, on y est, les 300 derniers mètres, on tente d'accélérer mais c'est vraiment très difficile. Et puis, tu y es, on te donne un ticket, on annonce ton nom et prénom au micro, tu vois ton frère qui t'accueille, tu prends un verre d'eau volontiers. Tu t'assoies vite car ça tourne, tu vois tout blanc. tu te relèves mais ça tourne toujours, on m'apporte plein de quartiers d'orange, des raisons secs, du sucre. C'est dur, très dur, je ne vois pas bien. Je me relève mais mon frère me dit que je suis toute blanche et que j'ai les lèvres violettes. OK, on file quand même voir les secouristes. Je me suis allongée, la tension était basse, c'était seulement ma circulation sanguine qui ne se faisait plus correctement.
C'était mon premier semi-marathon que je terminais, certes dans la douleur, mais une douleur relative : aujourd'hui, je suis tellement heureuse d'avoir réalisé cet exploit, d'avoir terminé un semi-marathon alors même que dix jours auparavant, ce n'était pas prévu.
Ce semi-marathon, c'est ma récompense d'une bien belle année sportive où en plus de mes cours de fitness et de zumba, j'ai su progresser beaucoup en course à pied. Le 11 novembre dernier, je courais une première course officielle, les Foulées de la Presse de la Manche de Cherbourg et déjà, le 11 novembre dernier, ces sept kilomètres étaient un exploit. J'ai couru plus régulièrement, plus longtemps et plus rapidement. Ce semi-marathon, c'était un peu comme un grand oral, histoire de voir ce que j'avais dans le ventre finalement.
Ces 21.1km, je les ai couru en 2h11mn, loin d'être le temps de l'année mais ces 21.1km, je les ai terminés, c'est bien le principal je crois. Classement provisoire : 368ème sur près de 600 Vikings.
Merci à tous ceux qui m'ont encouragé avant, pendant, et après la course : je suis notamment une nouvelle fois impressionnée par ce petit monde des coureurs à pied qui sont toujours là pour te faire croire en toi et tâcher d'y arriver du mieux qu'il soit. Merci à mes supporters sur le parcours. Merci à ma moitié qui a couru trois kilomètres dans ses chaussures bateaux et qui s'est récolté de belles crampes hier soir et un mal de jambes ce matin au réveil (et une bonne sieste cet après-midi).
Et Félicitations toutes particulières à mon frère Sébastien qui se place 77ème pour un temps d'1h37 et Robin pour sa 95ème place pour un temps d'1h39, pour tous les deux, c'était aussi leur premier semi.
Semi-marathonienne...! |