Prenez une personne qui vous inspire depuis pas mal de temps, un coin de France qui mérite le coup d’œil, une association de trail désireuse de concocter une manifestation aux petits oignons et une météo que je n'aurais même pas oser commander, vous obtiendrez une première expérience rêvée d'un 50 km.
Samedi 20 avril, c'était le Grand Trail des Balcons de la Seine 2019.
Les jours précédents ce fameux samedi, j'ai toujours eu le sentiment que je partais en week-end faire une grande promenade dans le Vexin. Le départ était donné depuis La Roche-Guyon et outre le fait que je savais qu'on traverserait le Parc Naturel régional du Vexin Français, c'est à peu près tout ce que je connaissais du parcours, autant vous dire que je suis partie très à l'aise blaise, sans pression de rien de tout, il faut dire aussi que quand on a une vie très remplie, ça évite de gamberger 😜
Mon expérience, je tenais à lui mettre des mots, je tenais à vous la partager un peu même si mes passages par ici sont désormais très rares. J'ai pas mal réfléchi à la façon dont je pourrais l'aborder sans tomber dans un compte-rendu dont la longueur pourrait en faire fuir quelques-uns. J'ai pas trop trouvé, j'ai fini par écrire ce qui me passait par la tête.
Ces 7h42 de course furent une première longue expérience d'un 50km, une expérience que j'ai vécu pleinement (presque) (je vais y revenir sur ce "presque") tout le temps.
- Alors que je quittais mon Cotentin avec 17° le vendredi, j'arrivais en fin de journée à l’extrême ouest du département 78 avec 7° d'écart déjà. L'histoire confirmera que les traileurs frôlèrent les 30° ce samedi et qu'ils s'en rappellent encore, le Vexin n'étant pas fait que de forêts ombragés. Et même si ce ne sont pas vraiment des conditions de course rêvées, qu'est-ce que c'était chouette, ce grand week-end estival.
- Nous étions 27 à inaugurer cette nouvelle distance que propose désormais l'association du Vexin Trail sur son trail des Balcons de la Seine. J'ai aimé le rappel des règles de sécurité sans micro, "non, venez tous par là, je n'ai pas besoin de micro, on se fait ça en famille" 😊
- Nous sommes partis, on fait un petit tour dans la Roche-Guyon, on va vers la Seine, on passe devant le restaurant Les Bords de Seine (déjà testé et grandement approuvé lors d'un WE en famille) où tout le monde est posé en terrasse
avec son verre de vin. On longe la Seine, on échange quelques mots avec quelques gars dont l'un qui blague : "hey les gars, je voudrais pas dire mais on est à côté des deuxième et troisième féminines". Oui, nous n'étions que trois femmes sur le 50km 😃 On revient vers le Château de la Roche d'où était donné le départ en passant par son verger (c'est superbe !) et puis roule ma poule, on remonte cette longue route qui nous amènera en haut, vers les crêtes et lorsqu'on se retrouve là-haut, je pense que ça y est, on peut se dire : "que la fête commence".
- Il est donc un peu plus de 13h et je peux vous dire qu'il fait bien chaud. Selon Emilie, nous avons flirté avec les 30° pendant cette première heure de course où nous étions plus en hauteur, à dominer la Seine, sans espace ombragé. Gare aux premières chaleurs, c'était clairement le premier WE de forte chaleur, les organismes ne sont pas du tout habitués. Il faut boire, régulièrement, y penser. Aussi, j'ai prévu la casquette que je suis fin prête à dégainer dès que j'en sentirai le besoin.
- En attendant, on garde bien entendu toutes ces règles de prudence bien en têtes mais si vous saviez comme on a commencé à savourer notre épopée avec Emilie : on a une météo extraordinaire, on a ressorti nos jupettes d'été, on se bouge dans des paysages pas dégoûtants, on papote sur des sujets divers et variés, on a des sourires jusqu'aux oreilles. Emilie me fait découvrir son terrain de jeu, on passe à proximité de chez elle, "regarde, je prends cette descente là et je descends jusqu'en bas, près de la Seine", "et là, la grande barrière grise, tu as un gros molosse, écoute".
- Première heure de course, près de 7,5 km. On est bien. La barrière horaire de la course, c'est le ravito du 35 km qu'on doit atteindre en maximum 5h30. Emilie me répète que si je veux partir, je peux. Elle a peur de me ralentir mais c'est ma première expérience sur un 50, pas question de me cramer, je me suis répétée que je venais en mode sortie longue tranquille, notamment pour rester bien en forme pour un autre 50 km deux mois plus tard. Courir à deux ou plus sur une telle distance peut vite ne pas être évident, chacun a nécessairement son rythme qui lui est propre mais dans nos derniers kilomètres, on s'est dit avec Emilie qu'on s'étaient finalement super bien portées, nous étions dans les pas l'une de l'autre, tantôt l'une en avant, tantôt l'autre, tantôt côte à côte, dans nos bulles de temps en temps ou à papoter de nouveau à d'autres moments.
- Premier ravito à 15 kilomètres. J'espérais du salé, ça faisait quelques kilomètres que j'y pensais, mon truc, ce sont les TUC sur les courses. Ô joie, des TUC et autres oranges, bananes, bonbecs, coca, eau gazeuse, bref, du ravito plutôt bien rempli, de quoi requinquer aux moins deux bouts de femmes pour lesquels il reste encore 35 kilomètres à tirer sous une chaleur qui ne baisse pas vraiment. Tiens ! C'est l'heure d'enfiler ma casquette, évite le coup de chaud et repose-toi un peu les yeux par la même occasion.
- On continue notre épopée. Nous entrons plus souvent dans des bois, c'est chouette, c'est plutôt roulant, on a l'impression de trouver un peu plus de fraîche. Perso, mes pensées sont un peu plus introspectives, d'ailleurs, j'ai le souvenir de ce bois où nous étions Emilie et moi à environ 50 mètres l'une de l'autre pendant plusieurs mètres, le temps de ce bois, le temps d'avoir aussi ces moments pour soi-même, pour savourer encore différemment.
- Et puis arrive le tronçon entre 20 et 30 kilomètres. Celui qui m'a été le plus douloureux. Pas physiquement, non, mais plutôt moralement. Mes pensées sont moins positives, il y a aussi des moments où j'ai l'impression de ne plus penser. Je ne pense à rien. Je cours. Je ralentis. Je marche dans les montées. Je sens que je suis moins bien psychologiquement, je pense que peut-être, le voilà le coup de chaud. Je bois, "continue de bien t'hydrater".
- Et puis Villarceaux. Le domaine de Villarceaux. Kilomètre 32 environ. Bon sang, on arrive dans ce domaine, c'est princier. "Je comprends pourquoi désormais le 10km s'appelle "Le Trail des Princesses" me lance Emilie. On profite, on ouvre grand nos yeux, on s'arrête plusieurs fois pour prendre encore des photos. Il y a des étangs, il y a beaucoup de visiteurs. Il y a aussi un type qui se permet de nous dire : "il faut lever plus les pieds, là". Il avait un accent étranger de je ne sais où, Emilie lui a proposé de venir avec nous terminer, il continuait sur sa lancée, persuadé de détenir la vérité (il y a de ces gens sur Terre quand même). Au détour d'une allée de princesse, il y avait un petit bassin, très accessible, on s'est arrêtées là, on s'est refroidies avec l'eau, il faisait vraiment encore chaud, je me suis arrosée les bras, les jambes, la nuque. Il fallait repartir, on sera bientôt au ravito. J'ai hâte quand même, hâte de refaire une bonne pause régénératrice. On profite jusqu'au bout de Villarceaux, on repart par la sortie des artistes et c'est à ce moment que je commence à voir des points blancs devant les yeux, à me sentir bizarre, à avoir envie de vomir. "Attends Emilie, ça ne va pas bien". Je m'allonge comme je peux sur l'herbe là-bas, il y a des orties d'ailleurs, bof, c'est pas grave, il fait chaud, c'est moins pire les orties, non ? Je reste allongée quelques instants, 2mn peut-être ? M'assois, me relève progressivement. "Allez, il faut aller jusqu'au ravito, ça va aller mieux". Je me dis aussi que ce n'est pas maintenant que je vais flancher. Je ne suis pas venue pour ne pas aller au bout, c'est seulement qu'il fait chaud, hein, mais je vais me reprendre. On repart dans des bois. Un bois dont j'ai le sentiment qu'il n'en fini pas : je voudrais le ravito ! Le bénévole qui se tenait avec de l'eau complémentaire à l'entrée de Villarceaux nous a pourtant bien dit que le ravito était à 1 voire 2 kilomètres, non ? C'était finalement un peu plus, et ça m'a semblé long, très long. Mais on a fini par y arriver et on s'est bien posées là-haut. On a discuté avec les bénévoles du Vexin Trail, on a rempli nos gourdes une dernière fois. Je me suis assise. J'ai demandé aux bénévoles de nous prendre en photo : le dernier ravito quand même, dernière ligne droite. J'étais heureuse d'être arrivée jusque là, il nous restait un peu plus de 15 kilomètres encore mais je sentais que le plus difficile était derrière désormais. La lumière allait commencé à décliner, c'était désormais la route du retour. Encore deux heures.
Dernier ravito 😌 |
- On repart, à pied. C'est ça qui est un exercice difficile mine de rien : de relancer lorsque tu t'arrêtes, lorsque tu marches. Avec Emilie, j'ai trouvé qu'on s'est bien complétées là-dessus, une fois c'était l'une qui disait : "allez, on y retourne", tantôt l'autre à motiver.
- Pour cette dernière partie de course, j'ai surtout le souvenir d'avoir traversé la forêt. C'était grand, c'était plutôt roulant encore, c'était agréable, le soleil commençait à vraiment descendre et on avait de jolies lumières à travers les arbres. J'ai l'impression qu'on a encore plus discuté avec Emilie et même si physiquement ça allait plutôt bien, l'épisode de coup de chaud à Villarceaux n'était plus qu'un lointain souvenir, je lui ai demandé : "quand même, mais qu'est-ce qui vous pousse à faire plus de 50 bornes ? 50, ce n'est déjà pas rien et je vais être, malgré tout ce qui je viens de vivre en sept heures, contente d'arriver et contente de me poser". J'ai eu plusieurs réponses à cette question. De la part d'Emilie, de la part d'autres traileurs qui se sont alignés sur bien plus de 50 kilomètres et je peux comprendre leurs réponses. 50 kilomètres implique déjà une bonne préparation et donc du temps. Du temps que vous ne passez pas en famille, avec vos enfants, du temps où vous ne faites pas autre chose. Le trail, c'est ma passion, c'est certain, mais il est certain aussi qu'il y a beaucoup d'autres choses à côté à continuer d'apprécier. Un vaste sujet 😉
- Le soleil descend, les lumières se font plus tamisées, je sens mon sourire qui s'élargit, encore plus. à la sortie d'un dernier chemin, deux bénévoles nous proposent de l'eau ou du coca : "il reste encore deux kilomètres et il y a une longue montée bien pentue, profitez-en". On en a profité, j'avais justement dit à Emilie quelques kilomètres plus en amont, que là, tout de suite, je voulais plein d'eau gazeuse FRAÎCHE. Oui, car bon, au bout d'un moment, je vous laisse imaginer la température ambiante de ta boisson dans ta poche d'eau lorsque tu viens de courir plusieurs heures dans la chaleur. Je bois deux grands verres de coca d'une traite, punaise, y'avait un bail le coca mais là, sur le moment, bon sang que ça fait du bien ces bulles. La lumière est magnifique autour de nous, je demande aux bénévoles qu'ils nous prennent en photo toutes les deux avant cette dernière "ligne droite" (ah, ah).
Cette photo, à l'image de notre 50km, elle résume assez bien ce que j'ai ressenti pendant cette expérience extraordinaire ✨
Et les deux derniers kilomètres, dont un dernier bien pentu effectivement. David, que nous retrouvons sur notre chemin, pris de crampes. Emilie, puis les bénévoles, prendront soin de lui, avant qu'il ne reparte. On court plus vite avec Emilie, on a envie d'arriver. Nous avons le sourire jusqu'aux oreilles, on reparle des orties : elles nous ont marqué au départ, le final se fera par un petit escalier pour entrer dans la cour du château de La Roche, un petit escalier où plein d'orties ont élues domicile. Mais on ne va tout de même pas chipoter pour des orties après avoir parcouru 50 km en pleine nature, non 😏
On franchit cette arche d'arrivée, main dans la main.
Bon sang mais quelle expérience. Je pense qu'il y a nettement bien pire pour un premier 50 kilomètres. Mais surtout, surtout, ce 50 kilomètres, partagé, a encore été l'occasion de se créer des souvenirs pour toute la vie.
Grand Trail des Balcons de la Seine, samedi 20 avril 2019. 52 km, 1200m de D+, 7h42 d'efforts et de joyeusetés.
Merci à l'association du Vexin Trail, à Damien.
Merci aux bénévoles.
Encore un grand merci Emilie, ne change rien 😘